Ostéopathie : les patients séduits mais désorientés
Comment trouver un bon ostéopathe ? Pas facile de s'y retrouver entre les ostéopathes exclusifs, au nombre d'environ 5 000 (on en comptait 200 en 1988),
les médecins (1 120), les kinésithérapeutes (4 739) et un petit nombre de sages-femmes, d'infirmières... qui pratiquent également l'ostéopathie,
soit un total de 12 000 praticiens en France.
Inventée en 1874 par l'Américain Andrew Taylor Still, qui a établi un lien entre la notion de santé et
l'équilibre mécanique du corps humain, l'ostéopathie arrive en France dans les années 1950, d'abord de façon confidentielle.
"Face à un symptôme comme une douleur lombaire, du type "j'en ai plein le dos", il faut en déterminer l'origine,
qui peut être liée à une pathologie fonctionnelle, ou être la manifestation d'un problème organique, ou de toute autre pathologie",
explique le docteur Dominique Leymarie, médecin ostéopathe exclusif, ancien président du Syndicat national des médecins ostéopathes (SNMO).
"L'ostéopathie ne soigne pas tout mais peut apporter des solutions, dès lors qu'il existe un trouble fonctionnel", précise Philippe Sterlingot,
président du Syndicat français des ostéopathes (SFDO). "L'ostéopathie essaie de réguler et d'entretenir la mécanique du patient pour éviter
qu'elle ne se grippe", souligne Roger Caporossi, directeur des études de l'Ecole supérieure d'ostéopathie.
"J'ai vu un nourrisson qui venait de naître, le lait coulait d'un côté de la bouche. Son problème a disparu après une consultation. Il était dû à une petite compression d'un nerf", décrit Yannick Huard, responsable de la clinique de l'ESO de Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne), qui fêtera ses 20 ans en 2010. On peut aussi recourir à l'ostéopathie pour soulager un bébé après un accouchement au forceps. Ou encore pour faire disparaître des douleurs cervicales
sans passer par un traitement médicamenteux. Les exemples sont nombreux.
Les patients semblent avoir compris l'intérêt de cette pratique. "La demande croît",
assure le docteur Serge Toffaloni, qui a ouvert une consultation à la Pitié-Salpêtrière,
à Paris. L'ostéopathie - qui ne fait pas partie des soins remboursés par la Sécurité sociale -
est de plus en plus prise en charge par les mutuelles complémentaires
"BOUCHE-À-OREILLE"
Pour autant, cette profession exige d'être davantage réglementée, de l'avis de nombreux praticiens.
Roger Caporossi estime que, "de par leur formation et leurs conditions d'exercice, un tiers seulement
des ostéopathes sont pleinements compétents". "La situation n'est pas drôle pour les vrais ostéopathes,
concurrencés par des tricheurs", lance Guy Roulier, le secrétaire général de la Chambre nationale des ostéopathes.
Après avoir laissé cette profession longtemps dans le flou, la loi du 4 mars 2002 "relative aux droits des malades" et ses décrets
d'application de mars 2007 lui ont donné un statut, imposant des normes de formation et d'exercice professionnel.
La réglementation avait alors été fortement contestée : quarante et une écoles avaient obtenu un agrément,
un chiffre élevé quand on le compare aux vingt et une écoles "labélisées" aux Etats-Unis ou aux six établissements de Grande-Bretagne...
"Tous les ostéopathes n'ont pas la formation nécessaire. De toute évidence, le ministère de la santé a dysfonctionné en accordant
quarante et un agréments. Cette situation ne peut rester en l'état", estime Pascal Javerliat, vice-président du Registre des ostéopathes de France (ROF).
Certes, la loi du 16 juillet 2009 portant sur la réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST)
a fait passer le niveau minimum d'heures d'études en ostéopathie à 3 520 heures sur quatre ans, contre 2 660 auparavant.
Mais, "contrairement à son objectif, la réglementation n'a pas amélioré les conditions d'accès à l'ostéopathie pour les patients,
toujours contraints de recourir au bouche-à-oreille pour trouver un bon professionnel, affirme Philippe Sterlingot.
La moitié des ostéopathes ont reçu une formation insuffisante". L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) est en train de
contrôler les écoles, et pourrait être amenée à "faire le ménage". "L'Etat n'a pas décidé de faire de l'ostéopathie une profession
de santé à part entière", déplore Roger Caporossi.
"Pour promouvoir cette profession, il est nécessaire de garantir de nouvelles compétences, d'imposer des critères législatifs sur la
formation et des critères déontologiques, insiste Pascal Javerliat, la qualité des soins passe par là. Les ostéopathes doivent faire
la preuve qu'ils ne font pas n'importe quoi."
Pascale Santi Le Monde du 24 novembre 2009
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